Depuis les conquistadores impavides de Cortès jusqu'au début du 20e siècle,
les classes paysannes du Mexique ont subi le joug d'une élite avide de pouvoir et de richesses,
désinfectée du prurit de l'égalité et immunisée face au partage des richesses.L'épopée popeyesque et romantique de Pancho Villa et d'Emiliano Zapata fut une forme de vox populi qui connut moins d'écho que celle qui agita la Russie en la même année 1917, mais ce baroud portait en lui les germes d'une mutation profonde de la société mexicaine.
Néanmoins, l'avènement du pouvoir " zapatiste " incarné par le PRI dans les années 1930 , pouvoir absolu et incontesté jusqu'à la fin des années 1990, a été loin d'endiguer la pauvreté et l'oubli profond qui affectaient et affectent encore le peuple indien.
Peuple d'origine de ce vaste pays, peuple ou peuples massacrés, divisés et réduits à la soumission par les pillards ibériques précités, pour certains la roue de la fortune met du temps à tourner et le deus ex machina s'est endormi dans les loges.
Pourtant, ils ont cru à l'apparition, de celles qui font passer la victoire d'un camp à l'autre, du désespoir à l'espoir, de l'humiliation à la fierté. Cette apparition, à la tête d'un mouvement nommé EZLN (Armée Zapatiste de Libération Nationale), c'est le sous-commandant Marcos.
Faisant trembler le gouvernement dès 1994, par des escarmouches militaires ponctuelles, il a su faire vibrer le magma politique occidental et notamment français, en manque d'émotions humanitaires et révolutionnaires fortes.
Sevrés de Che, tous ces admirateurs des idées politiques furent fascinés par ce héros au look savamment travaillé (chez les corses, la cagoule est celle d'un terroriste, chez Marcos c'est celle d'un révolutionnaire ; quant à la pipe, no comment) et aux actes militaires et politiques soigneusement limités et évités.
Symbole en occident de la résistance d'un peuple à l'oppression, mais aussi du respect des valeurs traditionnelles, Marcos a pu remplir ces dernières années son album-photos de quelques hauts noms de la politique française, et faire don de sa plume aux lecteurs de la presse française, qui ne manquèrent pas de rentrer dans une transe adoratrice collective. Un peu plus et on lui offre un rôle dans " Le sous-commandant à saint-tropez " ou " mon sous-commandant chez les nudistes ".
Bâtissant une représentativité incontestable et incontestée de Marcos au sein du monde libre, nous en vînmes à oublier de nous poser une question fondamentale : quid de sa légitimité au sein du peuple indien, à qui on n'a pas trop demandé son avis ?
Quel que soit le degré d'intimité du lecteur avec les affaires politiques internes du Mexique, une chose lui semble évidente : le peuple ne peut choisir pour lìder un simple sous-commandant, surtout dans un pays comme le Mexique qui a fait des décorations militaires un patrimoine national. La junte argentine aurait difficilement toléré un grade aussi éloigné de celui de général, et nous ne parlerons même pas des grades stratosphériques du Maréchal Mobutu et de l'empereur Bokassa.
A ce titre, il est évident que Marcos ne peut représenter les aspirations à la liberté exprimées par le peuple indien, et nous lui reconnaissons le mérite (l'inconscience ? la bêtise ?) de ne pas avoir occulté le bilan de sa maigre carrière militaire.
Par oukase populaire, nous confions donc les destinées du peuple indien au sur-commandant Perez, un homme qui peut se prévaloir d'une décoration militaire prestigieuse, un gradé sincère et désintéressé, et qui n'accordera des interviews qu'aux journaux de la presse spécialisée du football féminin et du jardinage sous serre.
Le peuple a parlé, par la voix de son gouvernement légitime.
Miguel de la madrid.
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